Rapatriement des familles de djihadistes : la France condamnée par la CEDH

Rapatriement des familles de djihadistes : la France condamnée par la CEDH

La Cour européenne des droits de l'Homme condamne la France pour ne pas avoir étudié de manière appropriée des demandes de rapatriement de filles et petits-enfants des requérants détenus dans des camps en Syrie, en violation de l'article 3 § 2 du Protocole n° 4 à la Convention EDH.

Face au refus des autorités françaises de rapatriement de leurs filles et de leurs petits-enfants retenus dans les camps du nord-est de la Syrie administrés par les Forces démocratiques syriennes (FDS), deux couples de Français ont saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Ils soutenaient que ce refus exposait leurs proches à des traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3 de la Convention EDH et violait le droit d’entrer sur le territoire national découlant de l’article 3 § 2 du Protocole n° 4.

Dans son arrêt rendu le 14 septembre 2022 (requêtes n° 24384/19 et 44234/20), la CEDH indique tout d'abord que les proches des requérants ne relèvent pas de la juridiction de la France à l’égard du grief tiré de l’article 3 de la Convention EDH mais qu’il existe des circonstances exceptionnelles propres à établir un lien juridictionnel entre l’Etat français et ces derniers au sens de l’article 1 de la Convention à l’égard du grief tiré de l’article 3 § 2 du Protocole n° 4.

Sur le fond, la Cour précise que si les ressortissantes françaises et leurs enfants ne bénéficient pas d’un droit général au rapatriement au titre du droit d’entrée sur le territoire national garanti par l’article 3 § 2 du Protocole n° 4, la protection qu’offre cette disposition peut faire naître des obligations positives à la charge de l’Etat en cas de circonstances exceptionnelles tenant à l’existence d’éléments extraterritoriaux tels que, par exemple, ceux qui mettent en péril l’intégrité physique et la vie des nationaux retenus dans les camps, en particulier celles des enfants.

En l'espèce, après avoir considéré que la situation des proches des requérants révélait l’existence de circonstances exceptionnelles de nature à déclencher l’obligation d’entourer le processus décisionnel de garanties appropriées contre l’arbitraire, la CEDH relève qu’en l’absence de toute décision formalisée de la part des autorités exécutives, l’immunité juridictionnelle des refus litigieux à laquelle se sont heurtés les requérants devant les juridictions internes les a privés de toute possibilité de contester utilement les motifs qui ont été retenus par ces autorités et de vérifier que ces refus ne reposaient sur aucun arbitraire.

La Cour en conclut que l’examen des demandes de retour effectuées par les requérants au nom de leurs proches n’a pas été entouré de garanties appropriées contre l’arbitraire et qu’il y a eu violation de l’article 3 § 2 du Protocole n° 4.
En exécution de son arrêt, la Cour précise qu’il incombe au gouvernement français de reprendre l’examen des demandes des requérants dans les plus brefs délais en l’entourant de garanties appropriées contre l’arbitraire.