La Cour de cassation se prononce dans une affaire d’escroquerie à l’arbitrage ayant conduit au détournement de fonds détenus par un consortium chargé de la gestion des contentieux liés à la liquidation d’actifs nocifs d’une banque.
Dans les années 1990, une banque française a rencontré des difficultés financières. Un consortium a été créé afin de liquider ses actifs nocifs. Les actions du consortium étaient détenues par un établissement public, placé sous la tutelle du ministre de l’Economie. Cet établissement public avait pour mission de gérer le soutien financier apporté par l’Etat à la banque.
En 2008, un contentieux opposant la banque à un groupe financier privé a été soumis à un tribunal arbitral : le consortium a été condamné à verser au groupe financier et à son dirigeant environ 400 millions d’euros. Estimant que l’un des arbitres avait manqué d’impartialité, le consortium a formé un recours devant la cour d’appel de Paris en 2013 : le juge a annulé la sentence arbitrale et a ordonné la restitution des 400 millions d’euros au consortium.
Le dirigeant du groupe financier privé, son avocat et l’un des arbitres ont été poursuivis pour escroquerie : ils auraient cherché à obtenir une décision arbitrale en faveur du groupe financier et de son dirigeant dans le but de détourner des fonds détenus par le consortium.
Le directeur de cabinet du ministre de l’Economie alors en exercice et le président du consortium ont été poursuivis pour complicité de détournement de fonds remis à une personne chargée d’une mission de service public.
En 2021, la cour d’appel de Paris a constaté l’extinction des poursuites menées contre le dirigeant du groupe financier, décédé.
Elle a condamné :
- l’arbitre pour escroquerie ;
- le président du consortium et le directeur de cabinet du ministre de l’Economie pour complicité de détournement de biens remis à une personne chargée d’une mission de service public ;
- l’avocat du dirigeant du groupe financier privé pour escroquerie et complicité de détournement de biens remis à une personne chargée d’une mission de service public ;
- certains des prévenus à indemniser le consortium du préjudice subi ainsi que l’Etat français.
Les prévenus ont formé des pourvois en cassation contre ces décisions.
Dans un arrêt du 28 juin 2023 (pourvoi n° 21-87.417), la Cour de cassation se prononce sur cette affaire.
Sur les condamnations pénales de l’arbitre et de l’avocat du dirigeant du groupe financier privé, la Cour de cassation rejette les pourvois de l’arbitre et de l’avocat du dirigeant.
Toutefois, la Cour de cassation précise que l’avocat du dirigeant ne pouvait pas être condamné à l’interdiction temporaire d’exercer la profession de conseil juridique : en effet, cette profession n’a plus d’existence légale. Seule l’interdiction d’exercer la profession d’avocat pouvait être prononcée.
Sous cette réserve, leurs déclarations de culpabilité ainsi que les peines prononcées à leur encontre sont désormais définitives.
Sur les condamnations pénales du directeur du cabinet du ministre de l’économie et du président du consortium, la Cour de cassation censure les déclarations de culpabilité du directeur de cabinet et du président du consortium.
En effet, ils ignoraient le caractère frauduleux de la décision rendue par le tribunal arbitral ; dès lors, la cour d’appel ne pouvait considérer qu’ils étaient complices du détournement.
Ces deux prévenus seront donc rejugés par la cour d’appel de Paris.
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