Lorsqu'une convention fixe la part qui revient à chaque membre d'un groupement solidaire dans l'exécution d'une prestation, le juge administratif doit tenir compte de la seule part de ce marché attribuée au membre du groupement qui se voit infliger les pénalités.
Un groupe hospitalier a confié un marché de maîtrise d'œuvre de l'opération de construction à un groupement momentané d'entreprises solidaires composé de diverses sociétés.
En juillet 2015, la directrice du groupe hospitalier a résilié ce marché à l'égard d'une seule société, mandataire du groupement, pour faute, à ses frais et risques.
Par un avenant au marché de maîtrise d'œuvre, le groupe hospitalier a confié à une autre société du groupement la mission de mandataire ainsi que des éléments de mission non achevés par l'ancienne mandataire, celle-ci étant appelée à supporter le coût de ces éléments dans le cadre de ce marché de substitution.
L'ancienne mandataire du marché a demandé au groupe hospitalier de lui verser le solde de son contrat résilié. Cette demande n'ayant pas été satisfaite, la société a porté sa contestation devant le juge administratif.
La cour administrative d'appel de Nancy, dans un arrêt rendu le 28 décembre 2021, a annulé le jugement de première instance.
Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 12 avril 2023 (requête n° 461576), annule l'arrêt d'appel.
La Haute juridiction administrative rappelle que les pénalités prévues par les clauses d'un contrat de la commande publique ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer à l'acheteur le non-respect, par son cocontractant, de ses obligations contractuelles. Elles sont applicables au seul motif qu'une inexécution des obligations contractuelles est constatée et alors même que la personne publique n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge de son cocontractant qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
Lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat.
En revanche, comme le rappelle le Conseil d'Etat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, et compte tenu de la gravité de l'inexécution constatée.
Ainsi, lorsqu'une convention, à laquelle le maître d'ouvrage est partie, fixe la part qui revient à chaque membre d'un groupement solidaire dans l'exécution d'une prestation, et lorsque le juge est saisi par l'un de ces membres de conclusions tendant à ce que soient modérées les pénalités mises à sa charge en raison des retards dans l'exécution de la part des prestations dont il avait la charge, il appartient au juge, pour apprécier leur caractère manifestement excessif eu égard au montant du marché, de prendre en compte la seule part de ce marché qui lui est attribuée en application de cette convention.
En l'espèce, la part revenant à chaque membre du groupement d'entreprises solidaires a été déterminée par une annexe à l'acte d'engagement. Par suite, pour le Conseil d'Etat, en prenant en compte la totalité du montant du marché pour calculer la part de ce marché que représentaient les pénalités infligées à la société requérante et non la seule part de ce marché attribuée à cette dernière, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit.
Le Conseil d'Etat annule l'arrêt d'appel.